À la tête de Sequedin, Aurélie Leclercq : « Nous ne sommes plus que cinq femmes de ma promotion à diriger une prison »

 Aurélie Leclercq a été nommée le 22 février 2024 directrice du centre pénitentiaire Lille-Loos-Sequedin, l’une des deux prisons de la métropole lilloise. Après avoir dirigé celle d’Annœullin durant six ans, elle a pris les rênes d’un centre qui accueille 945 détenus dont 149 femmes.

Dans le bâtiment administratif du centre pénitentiaire de Lille, une grande maquette représentant les différentes ailes trône au cœur d’un îlot central. Une vitrine contenant des chaînes et un boulet ainsi que des entraves rappellent un passé carcéral que la prison inaugurée en 2005 n’a jamais connu. Le bureau de la directrice se trouve au bout d’un couloir sombre. La poignée de main est ferme, et le regard bienveillant. Du haut de sa stature athlétique, Aurélie Leclerq dirige un établissement en surpopulation carcérale. Le quartier des hommes affiche un taux d’occupation de 150%. Le centre pénitentiaire de Lille-Loos-Sequedin regroupe différents types d’établissements pour peines dont une Maison d’arrêt pour femmes. Cette structure accueille les prévenues en attente de leur procès, placées en détention provisoire ainsi que les détenues condamnées à une peine d’emprisonnement inférieure à deux ans.

Aurélie Leclercq a débuté sa carrière comme directrice adjointe au Centre pénitentiaire de Châteauroux en 1999. Après un passage par la prison de Loos comme directrice de la section des prévenus de 2003 à 2009, elle est nommée cheffe du centre pénitentiaire d’Annœullin de 2010 à 2018 dont elle a supervisé l’ouverture. Depuis 2018 elle était secrétaire générale à la direction interrégionale. Sa nomination à la tête de la prison de Sequedin, à laquelle elle a participé à l’ouverture en 2005, couronne un quart de siècle au service de l’institution judiciaire. Originaire du Nord, la directrice insiste sur un ancrage local qui lui tient « particulièrement à cœur », elle en retire une « grande fierté ».

La décoration du vaste bureau d’angle est minimaliste. Une photo de ses enfants est posée sur le bureau encombré de dossiers. La vue panoramique des fenêtres du troisième et dernier étage du bâtiment est imprenable sur les champs alentours donnant un sentiment de liberté, qui ne dure pas longtemps. Un gilet pare-balles posé nonchalamment dans le coin de la pièce accroche le regard. « Il sera utile en cas d’exercice ou de menace », élude la directrice.

C’est de cette prison que s’est évadé, de manière spectaculaire, Redoine Faïd en 2013. Le braqueur a utilisé des explosifs, prenant en otage quatre agents du centre pénitentiaire. Aurélie Leclercq n’était pas encore directrice à cette époque, mais elle l’a vécu comme un électrochoc.

Cependant, l’évasion qui a le plus marqué les esprits de la directrice et de ses collègues est celle, plus récente, de Mohamed Amra, en mai 2024. Le détenu s’est évadé lors d’une extraction de la maison d’arrêt d’Evreux dans l’Eure, au niveau du péage d’Incarville. Le convoi a été pris d’assaut par un commando lourdement armé, tuant deux agents pénitentiaires. « Cet évènement a diminué drastiquement le nombre d’extractions », indique la directrice. Cette opération consiste à conduire un détenu sous surveillance en dehors de l’établissement lorsqu’il doit comparaître en justice ou recevoir des soins par exemple. Elle pose néanmoins la question de la sécurité des agents pénitentiaires, ce qui a engendré certains aménagements. « Le niveau d’escorte des détenus à extraire a été relevé et le choix de recourir ou non à la visioconférence pour être entendu par un juge n’est plus laissé aux détenus, abonde Aurélie Leclercq, sans se prononcer sur le bien-fondé de cette mesure. Cette décision, contestée par les magistrats et les avocats, a été prise par le garde des Sceaux dans une circulaire datée du 1er août 2024.

« J’ai découvert ce métier lors d’une visite de la maison centrale de Saint-Maur (Indre et Loire) en deuxième année d’études, raconte Aurélie Leclercq. » Elle se rêvait alors commissaire de police avant de changer de voie, ébahie par un directeur charismatique et la découverte d’un métier inconnu jusque-là, « qui avait l’air de pouvoir allier stabilité et sens ». Son diplôme de droit en poche, elle enchaîne avec le concours d’entrée à l’Ecole nationale d’administration pénitentiaire (ENAP). « Sur les 19 étudiants de la promotion 1998, 14 étaient des femmes. »  Ce métier très masculin s’est ouvert aux femmes avec l’élargissement des profils recrutés aux étudiants universitaires. Les femmes étant majoritaires dans les filières académiques, leur nombre s’en est retrouvé augmenté aux concours de l’ENAP. Néanmoins, « aujourd’hui nous ne sommes plus que cinq de ma promotion à diriger une prison. »

La particularité du Centre pénitentiaire de Sequedin est d’abriter également une nursery à l’écart du quartier principal. Elle accueille les « futures mères à partir du sixième mois de grossesse et jusqu’aux 18 mois de l’enfant », explique fièrement Aurélie Leclercq. La directrice a à cœur d’assurer la réinsertion de ces jeunes mères. La nursery fonctionne en régime portes-ouvertes, c’est-à-dire que les détenues sont libres de leurs allées et venues durant la journée mais elles doivent être de retour à une certaine heure. « Pour les femmes avec enfant qui doivent purger de longues peines, nous les habituons à se détacher de leur enfant progressivement pour que lorsqu’il atteint les 18 mois, ce soit moins difficile. Le papa ou la famille viennent le chercher d’abord une heure le week-end, puis quelques heures puis une journée pour que la maman s’habitue à son absence. » Les yeux d’Aurélie Leclercq brillent d’un mélange de fierté et d’empathie à l’évocation de ce sujet. Elle-même mère de famille, ne peut rester insensible aux parcours de vie qu’elle rencontre à la nursery.

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