Comment s’organise le travail en incarcération ?
Faire payer aux détenus des frais d’incarcérations, est-ce vraiment envisageable ? Si Gérald Darmanin répond par l’affirmative, les réalités de l’incarcération semblent prouver le contraire. Un tiers des détenus vit avec moins de 20 euros par mois. Accéder au travail en incarcération est loin d’être garanti.
Sur le papier, travailler en prison n’est pas un privilège mais bien un droit. Selon l’article D412-49 du Code pénitentiaire, « les dispositions nécessaires doivent être prises pour qu’un travail productif et suffisant pour occuper la durée normale d’une journée de travail soit fourni aux personnes détenues ».
Pourtant, sur le terrain, l’accès au travail en incarcération est loin d’être garanti. Les offres de travail se font plus rares et les détenus sont toujours plus nombreux.
Au 1er mars 2025, 81 599 personnes étaient incarcérées dans les prisons françaises, portant la densité carcérale à 131,7 %, un nombre jamais atteint auparavant.
Depuis l’entrée en vigueur du Code pénitentiaire en mai 2022, les détenus signent un contrat de travail (CEP) avec notamment l’ouverture de droits sociaux. Une légère avancée qui demeure très insuffisante. L’OIP alerte sur les manquements. Si les détenus cotisent désormais pour leur retraite et une assurance santé, ils « n’ont droit à aucune indemnité en cas de chômage technique ou de maladie non-professionnelle et ne bénéficient pas de congés payés ». Ils n’ont aucun représentant syndical et ne peuvent pas faire appel à l’inspection du travail « de manière confidentielle ».
Les femmes encore plus pénalisées
La surpopulation, les conditions de travail désastreuses font que le pourcentage de détenus qui travaillent décroit. En 2021, le Secours Catholique et Emmaüs recensaient 38% de détenus salariés. En 2025, seuls « 31 % des personnes incarcérées travaillent » selon le ministère de la Justice.
Les femmes incarcérées n’échappent pas aux difficultés d’accès à l’emploi. Un peu moins de 2800, elles représentent 3% de la population carcérale. La majorité d’entre elles sont incarcérées dans des « quartiers femmes » au sein de prisons d’hommes. La loi prévoit l’étanchéité la plus stricte entre les genres. Pour éviter qu’elles croisent des hommes, les femmes incarcérées peuvent se voir privées de circuler dans certaines zones de leurs prisons. Dans les cas les plus graves, elles n’ont pas accès au travail, aux activités ludiques et même aux soins.
Parce que les “quartiers femmes” sont inégalement répartis sur le territoire français, les détenues sont plus souvent isolées. En conséquence, les aides financières de leurs proches se font plus rares, ce qui renforce leur précarité.
Des salaires faibles et un coût de vie élevé
En prison, la précarité est inévitable. En 2021, un tiers des détenus vivaient avec moins de 20 euros par mois selon une enquête du Secours Catholique et d’Emmaüs. Pour les quelque 25 000 détenus qui ont accès au travail, les salaires demeurent extrêmement faibles, ne dépassant pas 45% du SMIC dans le meilleur des cas. En fonction de la catégorie d’emploi, il varie de 2,38 à 5,35 euros de l’heure. Bien que « la rémunération à la pièce soit interdite depuis 2009 », elle demeure encore fréquente, précise l’Observatoire international des prisons (OIP).
Pourtant, la vie est prison peut-être extrêmement coûteuse. Selon un rapport sénatorial, il faut compter au moins 200 euros par mois pour subvenir à ses besoins. Les produits vendus par la cantine (épicerie de la prison) sont largement plus chers que dans la grande distribution. À la prison de Lille-Loos-Sequedin, une unique serviette hygiénique coûte 1,35 euro et 3,75 euros pour sa version biologique. Un paquet de 20 serviettes hygiéniques de marque Carrefour coûte 1,35 euro et 1,55 euro pour dix serviettes biologiques de la même marque.
Malgré les conditions difficiles, les femmes incarcérées considèrent le travail en détention comme un privilège. Au téléphone, une ancienne détenue de la prison de Fresnes souligne qu’elle s’était battue pour accéder à l’emploi. Travailler lui permettait d’avoir « accès aux douches tous les jours ». Un luxe en comparaison des conditions de vie de ses co-détenues.
Asia Dayan