Dr Ameziane Aït Menguellet : « Le rôle des experts psychiatres est de ramener du sens aux actes commis »
Dans les procès d’assises, le rapport de l’expert psychiatre aide la justice à établir la responsabilité pénale de l’accusé et à mesurer la souffrance des plaignants. Victimes ou accusées, la majorité des femmes confrontées à la justice ont en commun des traumatismes liés à la violence.
Le rôle principal de l’expert psychiatre dans un procès d’assises est d’évaluer la responsabilité de l’accusé au moment des faits. En France, le Code pénal prévoit que cette « responsabilité pénale peut être atténuée ou supprimée si un trouble psychique a aboli ou altéré le discernement », explique le Dr Ameziane Aït Menguellet, expert psychiatre agréé par la cour d’appel de Douai.

L’expert est chargé de déterminer si, au moment des faits, l’accusé comprenait la portée de ses actes et s’il pouvait les contrôler. « Cette évaluation est souvent complexe, car elle nécessite de reconstituer un état mental passé et limité au moment du passage à l’acte, à partir d’une consultation », poursuit le spécialiste. Si l’expert conclut à une irresponsabilité pénale, la partie civile peut demander une contre-expertise, souvent réalisée par plusieurs spécialistes, afin de garantir l’équité du procès. Le rapport d’expertise, remis au juge, est ensuite présenté oralement devant la cour d’assises, où il sert de référence pour la décision judiciaire.
Au-delà de la responsabilité pénale, l’expertise psychiatrique permet aussi d’évaluer la dangerosité de l’accusé, un critère déterminant pour les mesures de sûreté ou les aménagements de peine. Les experts interviennent également après le jugement, notamment pour suivre l’évolution du condamné, conseiller sur les soins à prodiguer, ou encore sur les modalités de réinsertion. « Le rôle de l’expert psychiatre est de ramener du sens aux actes commis », indique le Dr Aït-Menguelet.
Le poids de la violence subie par les femmes
Dans les affaires de violences sexuelles, l’expertise psychiatrique joue un rôle crucial pour éclairer la cour sur les conséquences psychiques des agressions sur les femmes victimes. Ces agressions provoquent des dépressions sévères, des syndromes de stress post-traumatique, des troubles anxieux ou encore des mécanismes de dissociation, où la victime « se dissocie de son corps » pour se protéger. Un phénomène « pouvant influencer leur témoignage et leur comportement en justice », note le Dr Aït Menguellet. Chez les femmes accusées, les experts sont également attentifs à des facteurs comme les violences subies, les troubles psychiques liés à la maternité ou à des contextes socio-économiques difficiles qui se retrouvent dans de nombreux dossiers de criminalité féminine.
Lors d’un procès, certains accusés peuvent chercher à minimiser leur responsabilité en simulant des troubles mentaux pour tenter d’atténuer leur peine. À contrario, certaines victimes tenteront d’exagérer leurs souffrances pour obtenir une réparation. C’est aussi vrai pour les femmes que pour les hommes.
Ainsi, dans un contexte de libération de la parole des victimes de violences sexuelles, l’augmentation du nombre de plaintes n’échappe pas à quelques tentatives de manipulation. « Depuis #Metoo, le nombre de témoignages mensongers a augmenté, constate le Dr Aït Menguellet. Le rôle de l’expert-psychiatre est de réaliser une analyse la plus fine possible du discours de la victime comme de l’accusé, mais nous ne sommes pas des détecteurs de mensonge. »
Ilies Attia